Extrait du texte original de l’historique présenté lors de la bénédiction de la cloche
Dimanche 23 octobre 2005 par Monseigneur André Fort
Avant la Bénédiction de notre nouvelle cloche, je vous propose de rendre hommage aux anciennes en découvrant leurs histoires.
Les cloches, on le sait, sont des objets très anciens mais il n’existe pas de certitude sur la date précise de leur invention. On en a attribué la paternité à un empereur Chinois qui aurait fondu la première cloche, vers l’an 2262 avant Jésus Christ.
On sait que l’usage des grandes cloches pour l’église chrétienne remonte aux environs du VIe siècle mais ce n’est qu’à partir du VIIe que l’on baptise les cloches et qu’on leur donne un nom. Un inventaire des cloches situe la plus grosse cloche du monde au Kremlin à Moscou ou elle est exposée au sol. Elle a été coulée en 1733, avec un diamètre de 7,66 m et une hauteur7, 33 m, elle pèse plus de 200 tonnes. Malheureusement endommagée lors d’un incendie, un morceau de 11 tonnes 500 s’en est détaché. La cassure a laissé une ouverture suffisante pour que l’on puisse, aujourd’hui encore entrer en visiter l’intérieur.
En France, la plus grosse cloche encore en service, est dans le clocher du Sacré-Cœur à Paris. Fabriquée en 1891 ; elle pèse 18 tonnes 800 et s’appelle la « Savoyarde ».
Les cloches sont fondues dans un bronze particulier appelé l’airain, constitué de 78% de cuivre et de 22 % d’étain. Le métier de fondeur appelé « saintier » se perpétue dans la tradition avec, il paraît, les petits secrets de chacun pour produire les meilleures cloches.
Un nom est donné aux différentes parties de la cloche, ainsi de haut en bas, on a les oreilles qui permettent de la fixer, en dessous le cerveau puis la jupe encore appelée robe ou panse, ensuite le bourrelet, seule partie que l’on puisse frapper et enfin la pince qui termine le bas de la cloche. La cloche du latin « campana » est un objet magnifique est fort utile : elle est un instrument de communication, de signalisation qui rythme le temps, guide les voyageurs, alerte les populations. Elle est aussi et encore un instrument liturgique et de musique.
Mais les cloches connurent au fil des siècles bien des tourments.
D’abord brisées par les Sarrasins, les Normands puis les Anglais au XIIIe siècle et pendant la guerre de cents ans, c’est sous la révolution française qu’elles connurent la plus dramatique période, puisque plus de 100.000 cloches ont été fondues pour être transformées en monnaies ou en canons. Viennent ensuite les deux grandes guerres, les cloches ont alors souffert des bombardements et des prélèvements faits par les occupants.
Depuis, le patrimoine constitué par les cloches fait l’objet de l’attention du plus grand nombre, merci à notre commune d’en être l’exemple aujourd’hui.
On ne saurait clore ce chapitre sans évoquer le mot cloche imageant certaines expressions usuelles, ne dit-on pas « partir ou déménager, à la cloche de bois », « sauter, ou aller à cloche pied », « se faire sonner les cloches », « qui n’entend qu’une cloche n’entend qu’un son », ou bien encore « se taper la cloche »…
Voilà d’une façon générale et brièvement résumé, ce que l’on peut dire sur les cloches.
Passons maintenant à l’histoire des cloches qui ont occupé notre clocher.
La première cloche connue de 1698, fut bénite le 18 octobre de cette même année et nommée Anne Germaine. Un autre écrit propose uniquement le nom de Germaine. Cette cloche s’étant fêlée au cours de l’année 1842, l’administration locale décida qu’elle serait refondue. Elle avait 144 ans et pesait 1190 kilos.
Un appel fut fait aux habitants, une souscription dans laquelle tous voulurent entrer fut ouverte, permettant ainsi de réunir les fonds nécessaires à la dépenses dont l’urgence était comprise de tous. Des fouilles pour l’installation du fourneau devant recevoir la cloche pour sa refonte seront réalisées sur la place du village et dureront un mois. On découvrira pendant ces travaux, posés-là, sans ordre et à une très faible profondeur de terre, vingt trois cadavres d’hommes, mais on ne saura qu’émettre des hypothèses concernant leur présence en ces lieux : est ce le résultat des guerres de la Ligue ou, plus vraisemblable, en rapport avec le voisinage du camp de César ?
Les travaux de refonte seront confiés aux soins de M. BOLLEE, fondateur à Orléans, bisaïeul de Monsieur BOLLEE, aujourd’hui présent qui s’est vu aussi confier la même tâche, afin d’obtenir la cloche présentée aujourd’hui.
C’est donc le 23 juillet 1842, en présence des autorités civiles, de l’état-major de la garde nationale, du corps des pompiers et du concours de nombreux habitants, que le clergé dans un grand apparat a béni la matière, la cloche fut alors fondue et bien que moins pesante que l’ancienne de 37 kilos, le son en sera aussi beau.
Le 26 juillet arriva pour faire date avec la bénédiction de la cloche. Décorée de toutes parts, la cloche était suspendue à trois potences sur la place du village, par des cordages dissimulés sous des rubans aux couleurs nationales.
Le clergé, les autorités civiles, le corps des pompiers musique en tête, se rendirent processionnellement et en grande pompe à l’estrade couverte d’un tapis qui dominait la cloche.
Avec l’apparat religieux, la bénédiction dut donnée et un discours fut prononcé par le curé de Montargis. La cloche fut nommée « Germaine, Marie, Nicole » par Monsieur Nicolas Augustin de Tarade et Dame Marie Philippine Coussinet, ses parrain et marraine.
C’est cette même année en 1842, qu’il fut décidé d’acheter la petite cloche, grâce là encore, à une souscription. Non nommée, elle pèse 121 kilos 500 et elle a été fondue par l’entreprise CHAMBON à Montargis.
A noter que cette cloche a fait l’objet de réparations en 2004.
Enfin pour terminer, il me semble important de souligner qu’aujourd’hui, en ce 23 octobre 2005, nous vivons ensemble une nouvelle page de l’histoire locale de Corbeilles en Gâtinais. Assister à cette cérémonie historique et exceptionnelle par sa rareté, est un honneur et une vraie chance. En effet, seules deux cérémonies de bénédiction de cloches ont eu lieu en un peu plus de 300 ans à Corbeilles en Gâtinais, la première en 1698 et la seconde en 1842.
Aujourd’hui, nous inscrivons une troisième date et nous souhaitons longue vie à « Germaine » notre nouvelle cloche.
Michel Dardelet